Le dossier présenté dans ce nouveau numéro de la Revista Brasileira de Pesquisa (Auto) biográfica accueille des textes de chercheurs (universitaires, docteurs ou doctorants) qui vivent, travaillent ou développent leurs recherches en Asie. Historiquement, du point de vue européen, l’Asie constitue un “ailleurs extrême”, une forme d’extériorité radicale. À la fin du xIxe siècle, l’espace asiatique varie dans ses intitulés entre “Asie orientale” et “Extrême-Orient”. Le terme “Far East” fait son apparition dans l’Empire britannique, en faisant référence à l’Est lointain dont les contrées nécessitent de longs voyages pour y accéder. L’émergence d’un territoire “au plus loin” s’affirme durant cette période dans l’ensemble de l’Europe: “Les équivalents anglais Far East, allemand Ferner Osten, italien Estremo Oriente, espagnol et portugais Extremo Oriente semblent tous attestés de la même époque” (Détrie et Moura, 2001, p. 5)1. Ainsi, si du point de vue européen, en fonction de l’étirement de la distance, l’espace qui sépare les deux continents a dû, pour être pensable, être départagé entre le Proche, le Moyen, et l’Extrême-Orient (MOURA, 2001)2. Comment penser l’Asie lorsque l’on se situe au Brésil, spécialement à Salvador de Bahia, lieu d’édition et de parution de la revue qui contient ce numéro. L’Asie se trouve alors située à l’opposé du globe, le Japon semblant être la “diamètre géographique” du Brésil.
La constitution d’un ailleurs, que ce processus soit pensé à l’échelle de l’histoire du sujet, de celle d’une communauté, d’un pays ou d’un continent, est cependant moins régie par la distance géographique que par les dynamiques historiques et culturelles. De ce point de vue, les relations entre le Brésil et l’Asie ont une histoire, qui au gré des époques a forgé un imaginaire. Ainsi, comme l’a souligné Augustin Berque (2016)3, l’étude des milieux humains suppose avant tout de s’intéresser aux manières d’habiter individuellement les espaces et les lieux. D’un point de vue herméneutique, ces manières d’habiter peuvent être appréhendés à partir des “arts de dire” et des “arts de faire” (de Certeau, 1990)4, de la diversité des manières de dire, de raconter la vie, de dialoguer sur l’expérience. Ainsi, tout en restant prudemment à l’écart des travers d’un culturalisme qui viendrait réifier des pratiques en les assignant de manière définitive à des traits typiques d’une culture, il est possible de s’interroger sur la singularité des pratiques narratives et biographiques en Asie. En effet si, comme le note Denzin en 1996 5, l’époque contemporaine est marquée par un “moment narratif”, cette tendance ne va pas de soi pour l’espace asiatique, dont les modes d’expression de soi et les modalités du dire circulent selon des formes, des rythmes et des temporalités singulières (Jullien, 2013 6; Billeter, 2015 7). Il est cependant possible de chercher à appréhender ces pratiques narratives à partir de ce qui circule à l’échelle de l’infralangagier, à la surface du dicible, à l’échelle du sensible. Plusieurs axes peuvent ainsi contribuer à découvrir des espaces de recherche relevant d’une anthropologie du narratif dans les domaines des sciences humaines et sociales : examen des modes de passage de l’expérience au langage, processus de la mise en mots du vécu, circulation des points de vue et des types de mémoires générées, formes d’élaboration collective des discours et des récits… L’appréhension et l’étude de ces formes singulières de l’expression en première personne (Depraz, 2014)8 en Asie est ainsi de nature à étendre le champ de la recherche sur et avec les approches narratives et biographiques.
Deux axes sont spécialement interrogés dans ce dossier: (1) la place accordée aux récits dans les recherches en sciences humaines et sociales en Asie; (2). la fonction et les effets du récit du point de vue des dynamiques de formation individuelles et collectives. En ce qui concerne le premier axe, l’année 2018 a été l’occasion, en France, en Pologne, et dans toute l’Europe, d’organiser des rencontres scientifiques et des colloques pour saluer le centenaire de la parution de l’ouvrage de William I. Thomas et Florian Znaniecki, en 1918, intitulé: The Polish Peasant in Europe and America9 .Cet ouvrage, fondé sur le récit de vie d’un migrant polonais aux États-Unis, à Chicago, constitue un moment inaugural pour la diffusion des approches qui mobilisent les pratiques de narration biographique dans le domaine de la recherche en sciences humaines et sociales. L’usage du récit en sciences sociales permet en effet, comme l’a théorisé Bertaux (1981)10, de comprendre du point de vue des sujets qui parlent, qui narrent dans la durée leur expérience, qui configurent leur récit en histoire. Cette conversion du regard par laquelle le chercheur met en suspens (ou s’exerce à le faire) les formes d’évidence qui imprègnent sa manière de se penser dans le monde, pour se rendre disponible à ce qui circule au niveau du sensible, du perçu et du logique dans le récit d’autrui, que celui-ci soit un sujet, un groupe ou un collectif (KAUFMAN et TROM, 2010)11, caractérise les courants de la recherche qualitative et compréhensive. Qu’en est-il en Asie? Quel est le statut accordé à ces formes de connaissances constituées par les récits d’expérience? Quels sont les rapports dialectiques entre les savoirs en première personne et ceux en troisième personne, fondés sur des critères plus extensifs et jugés représentatifs?
Le second axe comporte d’autres enjeux: il concerne les pratiques éducatives et la fonction du récit dans les dynamiques de formation de soi. En effet, si le récit caractérise un mode de constitution des connaissances pour la recherche biographique (Delory-MOMBERGER, 2019)12, il est également une pratique de formation de soi – ou une “technique de soi” (Foucault, 1981/1982)13 –, notamment pour le courant des “histoires de vie en formation” (Pineau et Legrand, 2019)14. Ainsi, et notamment à partir de l’ouvrage de Gaston Pineau qu’il publie avec Marie-Michèle en 1983, le courant des histoires de vie en formation va penser le récit comme une approche par laquelle le sujet “s’approprie son pouvoir de formation” (Pineau et Marie-Michèle, 1983)15, dans une dynamique d’émancipation des rapports aux savoirs scolaires (Illich, 1980)16. C’est notamment à partir de cette perspective politique et éthique que le courant des récits de vie en formation s’est déployé en Europe, aux ÉtatsUnis, au Canada, au Brésil (Souza, 2011)17. Qu’en est-il au Japon, en Inde, en Corée, ou en Chine? Quelles sont les pratiques éducatives faisant place au récit comme modalités éducatives, moyens de reconnaissance des savoirs de l’expérience, modalités de passage entre les savoirs acquis au travail et ceux enseignés en classe?
Trop peu connus des points de vue européen et brésilien, les travaux provenant d’Asie apparaissent absents des bibliographies européennes et sud-américaines. C’est l’objet de ce numéro que de témoigner de la vitalité de ces recherches, à partir de travaux provenant de différentes aires géographiques, d’espaces régionaux, de réseaux de chercheurs, de coopérations académiques. Il s’agit avant tout d’appréhender la singularité des recherches contemporaines de chercheurs engagés dans des travaux qui mobilisent les approches provenant des histoires de vie et de la recherche biographique dans le continent asiatique. Face à l’immensité de ce continent qui, de l’intérieur, est loin d’être vécu comme un ensemble ou une union, la méthode retenue pour appréhender la diversité des travaux a été de procéder en deux temps et, ainsi, de préparer deux volets, qui paraîtront dans deux numéros distincts de la revue.
Ainsi, le dossier présenté dans ce numéro constitue le premier volet de cette étude sur les pratiques narratives et biographiques en Asie. Il contient principalement des recherches provenant du Japon, puisque sur les huit articles présentés dans ce dossier, sept d’entre eux concernent des recherches conduites au Japon. Cette forte présence d’articles provenant du Japon ne doit rien au hasard. Une coopération forte existe depuis le début des années 2000 entre des réseaux de chercheurs japonais et l’Association internationale des histoires de vie en formation. C’est l’objet du premier article, Les histoires de vie au Japon: trajets de vie, rencontres internationales et dynamiques collectives, que d’historiciser cette dynamique de réseau, à partir d’un récit produit dans le cadre d’un entretien biographique enregistré le 31 juillet 2019, à Kobe (Japon), entre Hervé Breton et le professeur Makoto Suemoto, qui termine la traduction de l’ouvrage publié par Gaston Pineau et Marie-Michèle, Produire sa vie : autoformation et autobiographie.
Le deuxième texte, “Autoformation d’un village à Okinawa et changement de conscience collective: perspectives pour penser l’histoire de vie collective au Japon”, est celui de Makoto Suemoto. Les pratiques narratives et biographiques sont étudiées en tant que moyen de constitution des processus d’apprentissages communautaires, la notion d’apprentissage étant pensée du point de vue de l’éducation populaire, à partir des notions de résistance et d’émancipation. La perspective est à situer à la croisée des sciences de l’éducation, de l’éducation populaire, des approches narratives et de l’ethnographie, le terrain de la recherche présentée étant situé en Okinawa, dans les villages devant vivre, après les affres de la Seconde Guerre mondiale, l’implantation des bases américaines. En examinant les dynamiques collectives générées par le récit et leurs effets dans la longue durée, le professeur Suemoto contribue par ce texte, et plusieurs autres, à ouvrir des perspectives de recherche sur les dialectiques entre récits de soi et récits de vie collectifs et communautaires.
Le troisième article, “Recherche narrative et pratiques psychosociales au Japon”, des professeurs Masayoshi Morioka, Kakuko Matsumoto et Koichi Hirose, interroge les origines, les usages et effets des pratiques narratives, entre approches thérapeutiques et formation du sujet. La mise en perspective de la singularité des approches narratives au Japon est réalisée à partir des travaux pionniers du chercheur japonais Hayao Kawai et croisée avec les théories narratives de Jérôme Bruner. Sont également examinées les dimensions culturelles qui orientent et influent tant les domaines de l’expression que la réception des récits. Cet examen est présenté dans l’article à partir d’un concept très particulier, le “Ma”, qui désigne à la fois l’intervalle relationnel et spatial entre le sujet et son environnement. Ce concept est ainsi mobilisé dans l’article pour penser les dialectiques relationnelles entre le sujet, son milieu, et les événements qui jalonnent son histoire de vie.
L’article suivant, “Récits d’enseignants à propos de l’éducation à la vie: un exemple de l’approche narrative et biographique au Japon”, de Sunami Inoue, présente une recherche doctorale mobilisant les récits de vie comme moyen de recherche pour comprendre les processus qui participent (ou non) de l’implication des enseignants au Japon. L’étude porte également sur les pratiques enseignantes en interrogeant les enjeux du travail narratif, au cours de la recherche, pour comprendre ces pratiques professionnelles et le sens qu’elles peuvent prendre concrètement dans les situations de travail. La recherche est conduite à partir d’une mise en perspective longitudinale, historique et sociétale, de l’environnement socio-politique qui influe sur les conditions du travail réel des métiers de l’éducation au Japon.
Le cinquième texte, “Histoire de vie de Naito Masu: une pionnière de l’éducation des femmes dans la préfecture de Yamanashi au début de la période meiji”, d’Atsuko Kawata et Tokyo Kato, présente une recherche sur les processus d’émancipation et d’éducation d’une femme, Naito Masu. L’article croise les approches historiques et celles de la recherche biographique. L’histoire de vie dont il fait état est en effet périodisée et thématisée à partir des lieux habités, des différentes “strates relationnelles” de Naito Masu. Cette enquête historique réalisée, un examen des facteurs des critères permettant de penser les enjeux, obstacles et contraintes pour les dynamiques éducatives des femmes durant la période Edo est conduit par les auteurs. Le texte expose également les éléments relatifs à la méthode et aux matériaux de la recherche (documents personnels, témoignages…) afin de permettre d’appréhender la singularité du parcours d’une pionnière de l’éducation et de l’autoformation au Japon.
Le texte suivant, “Une étude sur l’instruction pour les mémoires de maîtrise et les documents de recherche pour la “Réflexion sur l’expérience” dans les écoles supérieures au Japon – basée sur des entretiens avec le personnel académique dans les écoles supérieures”, de Kenji Miwa, mobilise les approches biographiques pour penser les postures et pratiques pédagogiques dans une université au Japon. Il s’agit ainsi d’appréhender les processus d’apprentissage à l’université, d’un point de vue longitudinal, en interrogeant les formes de savoirs pris en compte dans les pratiques d’accompagnement en formation, la reconnaissance des savoirs acquis dans et en dehors de l’université, ainsi que les processus de transformation des perspectives de vie durant et après la vie à l’université.
Le septième article “La recherche en éducation environnementale et l’importance de l’expérience : la profondeur de l’histoire de vie apportée par les relations mutuelles” de Yuko Miki, jeune doctorante, interroge de manière vive et audacieuse, à partir d’un récit en première personne, notamment, l’un des enjeux contemporains les plus saillants de notre époque : l’éducation à l’environnement et l’inscription biographique d’une conscience écologique. La recherche de doctorat présentée permet d’appréhender la tension dialectique entre histoires de vie et dynamiques de recherche pour la formalisation du projet et la constitution d’une méthode d’enquête biographique.
Les sept textes présentés proviennent de terrains de recherches au Japon et de chercheurs japonais. Ainsi, le texte, “Interrelation de la biographie et de l’ethnographie: l’analyse culturelle comme système expérimental” est le premier de ce dossier qui s’éloigne de l’archipel nippon. Il provient de l’Inde du Sud. Il s’agit d’un texte proposé par S. Sumathi, S. Manjubarkavi et M. Muniraj. Il porte sur les croisements entre “recherches ethnographiques” et “recherches biographiques”. L’article interroge les apports réciproques de deux approches situées dans les recherches dites qualitatives en sciences humaines et sociales à partir notamment des courants de l’“autoethnography”. Sont ainsi examinées, parmi les différents axes de la recherche présentée dans l’article, les catégories culturelles et les dimensions sociales de l’existence quotidienne à partir d’un travail de mise au jour des structures narratives du sujet.
Les différents articles de ce dossier offrent ainsi la possibilité de comprendre les formes contemporaines de la recherche biographique et narrative dans différents contextes: éducation populaire, santé, enseignement supérieur, développement communautaire. Par la diffusion de ces travaux au Brésil et en Europe, où les dossiers de la Revista Brasileira de Pesquisa (Auto)biográfica sont largement diffusés, les domaines de l’éducation, de la formation et de la recherche par les récits peuvent entrer en dialogue, selon des perspectives à la fois transculturelles et transdisciplinaires. Tours, 15 septembre 2019
Notas
1 Détrie, Muriel et Moura Jean-Marc. “Introduction”. Revue de littérature comparée, Paris, Klincksiek, 2001/1, n° 297, p. 5-11, 2001. Disponible sur: https:// www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2001- 1-page-5.htm (consulté le 13 septembre 2019).
2 Moura, Jean-Marc. “L’(Extrême)-Orient selon G.W.F. Hegel. Philosophie de l’histoire et imaginaire exotique”. Revue de littérature comparée, Paris, Klincksiek, 2001/1, n° 297, p. 31-42, 2001. Disponible sur: https://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2001-1.htm (consulté le 13 septembre 2019).
3 Berque, A. Médiance de milieux en paysage. Paris: Belin, 2000.
4 CERTEAU de, Michel. L’invention au quotidien. Arts de faire. Tome 1. Paris: Folio, 1990.
5 DENZIN, k. Norman. Interpretative ethnography. New York: Sage Publication, 1996.
6 JULLIEN, François. Si parler va sans dire. Paris: Grasset, 2013.
7 Billeter, Jean François. Leçons sur Tchouang-Tseu. Paris: Allia, 2015.
8 Depraz, Nathalie (dir.). Première, deuxième, troisième personne. Bucarest: Zeta Books, 2014.
9 Thomas, I. William et Znaniecki, Florian. The Polish Peasant in Europe and America. Chicago: University of Illinois Press, 1918.
10 Bertaux, Daniel (dir.). Biography and Society. London: Sage, 1981.
11 Kaufmann, Laurence et Trom, Danny. “Présentation”. In: “Qu’est-ce qu’un collectif: du commun à la politique”. Raisons Pratiques (Lyon, Bibliothèque Sciences Po Lyon), 2010, n° 20, p. 9-24. Disponible sur: https://signal.sciencespo-lyon.fr/numero/35483/Quest-ce_qu-un_collectif__du_commun_a_la_politique (consulté le 13 septembre 2019).
12 DELORY-MOMBERGER, Christine (dir.). Vocabulaire des histoires de vie et de la recherche biographique. Toulouse: Érès, 2019.
13 Foucault, Michel. L’herméneutique du sujet. Cours au Collège de France. Paris: Gallimard, 1981/1982.
14 Pineau, Gaston et Legrand, Jean-Louis. Les histoires de vie. Paris: Presses universitaires de France, 2019.
15 Pineau, Gaston et Marie-Michèle. Produire sa vie: autoformation et autobiographie. Montréal: Éditions Saint-Martin, 1983.
16 Illich, Ivan. Une société sans école. Paris: Seuil, 1980.
17 Souza, Elizeu Clementino de. (Auto)Biographie: écrits de soi et formation au Brésil. Paris: L’Harmattan, 2011.
Organizadora
Hervé Breton – Maître de conférences, directeur du Département des sciences de l’éducation et de la formation à l’Université de Tours. Ses travaux de recherche interrogent et examinent les effets du récit sur les processus de formation de soi et de formalisation des savoirs expérientiels. Il accompagne des recherches-actions dans le domaine de la formation des adultes: pratiques narratives, ingénierie et accompagnement des processus de reconnaissance des acquis expérientiels en situations de travail, situations de soins et contextes de santé. Il est co-directeur de la revue Chemins de formation (www.cheminsdeformation.fr) et président de l’Association internationale des histoires de vie en formation (ASIHVIF).
Referências desta apresentação
BRETON, Hervé. Apresentação. Revista Brasileira de Pesquisa (Auto) Biográfica. Salvador, v. 04, n. 12, p. 816-820, set./dez. 2019. Acessar publicação original [DR]
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