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Infographie de la Rome antique / John Scheid e Nocolas Guillerat
Detalhe de capa de Infographie de la Rome antique /
Deux ans après l’Infographie de la Seconde Guerre mondiale, la maison d’édition Passés Composés publie L’Infographie de la Rome antique en octobre 2020. C’est la première fois que l’histoire romaine est racontée par le recours à la datavisualisation. Cet ouvrage est le fruit du travail de John Scheid, appuyé par Milan Melocco et Nicolas Guillerat qui s’est occupé du data design.
John Scheid est professeur émérite au Collège de France, responsable de la chaire « Religion, institutions et société de la Rome antique » de 2001 à 2016. Il est l’auteur de nombreux ouvrages qui ont marqué l’étude de la religion et de la pratique religieuse à Rome, comme récemment Rites et religions à Rome en 2019. Milan Melocco, ancien élève de l’École normale supérieure et agrégé d’histoire, est doctorant à Sorbonne Université et réalise une thèse intitulée « Histoire d’une route de l’Attique à l’Hellespont. L’impérialisme athénien et l’intégration d’un espace maritime du VIe s. av. J.-C. au Haut-Empire romain ». Nicolas Guillerat est data-designer, déjà aux commandes de la précédente infographie publiée chez Passés Composés.
Ce livre intéressera un public divers : aussi bien les non-spécialistes pour faire une mise au point sur l’histoire romaine, les professeurs pour avoir accès à des documents fiables et inédits utilisables avec les élèves et surtout les étudiants de licence et de CPGE, les candidats aux concours de l’enseignement qui peuvent y trouver à la fois un moyen de se mettre à niveau sur l’histoire romaine et des documents à utiliser dans les épreuves didactiques ; et enfin évidemment tout passionné d’histoire romaine.
L’avant-propos de l’ouvrage rappelle quelques problèmes spécifiques à l’histoire romaine. L’un des premiers repose sur le choix d’une chronologie précise à l’intérieur d’une histoire romaine très longue allant de sa fondation supposée en 753 av. J.-.C. jusqu’à la chute de Constantinople en 1453. Les auteurs ont décidé de se consacrer « essentiellement à l’État de Rome, la Res publica du peuple romain, comment les habitants du monde romain se définissaient ». Une fois le cadre chronologique arrêté, Ve s. av. J.-C. au IVe s. apr. J.-C., se pose la question des sources spécifiques à l’histoire romaine. De fait, les sources pour les périodes les plus anciennes sont peu nombreuses et peu compatibles avec une utilisation chiffrée. Cette spécificité explique donc un traitement « sommaire et rapide » des premiers siècles de Rome. A partir IVe s. av. J.-C., les sources deviennent plus nombreuses et plus fiables permettant à l’historien de les exploiter dans plusieurs domaines. Toutefois, à la différence de la Seconde Guerre mondiale, les sources pour la période romaine sont avares en informations chiffrées et il est difficile d’évaluer la fiabilité de celles qui nous sont parvenues.
Malgré les limites posées par les sources pour la réalisation de cet exercice, l’ouvrage, d’une belle facture comme le précédent, est divisé en trois parties thématiques, elles-mêmes divisées en plusieurs chapitres. La première partie s’intitule « Territoires et populations de l’Empire », la deuxième « Gouverner, vénérer les dieux, pourvoir aux besoins », et la troisième « La puissance militaire romaine ».
La première partie pose le cadre de l’histoire romaine en mettant en évidence la croissance du pouvoir et du monde romain. Le premier chapitre porte sur le passage progressif d’une cité-état à la constitution d’un véritable empire territorial. L’ouvrage offre plusieurs cartes intéressantes pour montrer l’évolution de la superficie de Rome et des territoires contrôlées par l’Vrbs au fil des années . Il y a également un développement centré uniquement sur l’Vrbs avec une carte de la ville de Rome au IVe siècle ap. J.-C. accompagnée d’une présentation des différentes régions urbaines. Il y a également une partie sur les fora de Rome avec une carte p. 21 très intéressante qui présente les bâtiments et la nature de ceux-ci dans les différentes places.
Le deuxième chapitre revient sur la constitution multiforme de ce que l’on peut appeler par commodité le « peuple romain », mais qui est surtout marqué par une profonde diversité. Il y a tout d’abord une présentation de l’évolution de la population de Rome qui ne met pas de côté les difficultés et les débats de la démographie antique. Une deuxième partie s’intéresse aux différents statuts juridiques avec une infographie sur les droits corrélés aux statuts civiques dans l’empire. Ce document est plus qu’utile pour faire comprendre ces différences aux étudiants de licence, mais il peut également être utilisé, en simplifiant peut-être certains éléments, avec des élèves de lycée. Une troisième partie bienvenue porte sur les clientèles sociales et politiques, phénomène particulier du fonctionnement romain, parfois difficile d’accès.
L’illustration proposée est d’ailleurs limpide permettant une bonne compréhension avec le développement écrit. Ce deuxième chapitre se termine par une présentation des structures sociales du « peuple romain ». Nous saluons l’infographie p. 32 intitulée « Les saisons de la vie d’une femme romaine » permettant de mieux comprendre le destin de la femme romaine au sein de cette société présentée comme patriarcale.
Le dernier chapitre composé d’une double page explique l’expression devenue courante de « mosaïque de cités » en remplaçant dans son contexte historique cette notion spécifique de la cité antique à travers deux exemples : la Gaule et de la Gaule Belgique.
La deuxième partie est consacrée au fonctionnement de ce vaste ensemble, en commençant par les institutions de Rome sous la République et l’Empire, sans oublier la figure si spécifique de l’empereur romain. Le premier chapitre explique le système politique romain d’un point de vue chronologique. Nous retenons l’infographie p. 39 qui permet d’expliquer clairement le fonctionnement des comices et des élections. C’est là aussi un document qui sera utile pour les étudiants. L’infographie sur la double page 42 et 43 porte sur « La naissance d’une loi sous la République et l’Empire ». Celle-ci est magnifiquement réalisée permettant de mieux comprendre ce phénomène complexe du droit romain faisant appel à toutes les composantes de la société, illustrant l’imbrication entre politique et religieux. Une dernière partie revient sur le cursus honorum.
Le deuxième chapitre porte plus précisément sur le pouvoir impérial. Il débute par une analyse de la titulature impériale et donc de l’analyse des pouvoirs de l’empereur, à partir de l’exemple de Trajan, faisant écho aux exercices d’épigraphie réalisés en histoire romaine. Il y a ensuite une explication du fonctionnement de l’administration impériale, de la garde prétorienne, devenue centrale au fil des ans, et une présentation des résidences impériales témoignant de l’évolution de l’Empire. La fin de ce chapitre est consacrée à une présentation des principales dynasties impériales par des arbres généalogiques permettant de mieux saisir les relations entre chaque empereur.
Le troisième chapitre porte sur les religions avec une présentation très savante. Ce chapitre intéressera grandement les étudiants préparant les concours de l’enseignement pour réviser certains points, mais surtout comme réservoir de documents utilisables à l’oral. Il y a tout d’abord une présentation essentielle des cultes publics et privés, ainsi que des principales divinités romaines et leur apparition d’un point de vue chronologique. La double page 60 et 61 propose une synthèse riche et claire des principaux officiants romains dans les cultes. Il y a également une étude de cas sur les Jeux séculaires qui peut s’avérer utile pour les concours. Enfin, la dernière partie s’intéresse aux monothéismes dans l’empire romain : le judaïsme et le christianisme.
Le dernier chapitre présente l’économie romaine, souvent déroutante pour le lecteur contemporain et au cœur de débats historiographiques. Ce chapitre arrive à rendre clair et accessible des spécificités romaines parfois obscures. Le premier temps explique le fonctionnement de l’économie romaine, il y a ensuite une description des besoins de Rome, de l’Italie et de l’Empire. La double page 72 et 73 offre une magnifique carte présentant les principales voies de communication ainsi que les ressources de l’Empire.
La troisième partie analyse « La puissance militaire romaine ». C’est également la partie la plus développée de cet ouvrage (environ 50 pages). Le premier chapitre revient sur les légions comme instrument de la domination romaine en commençant par un aperçu chronologique du fonctionnement de l’armée romaine des premiers siècles jusqu’à l’empire. Là encore, cette double page (p. 78-79), sera utile pour faire comprendre ce fonctionnement aux étudiants, notamment les changements qui s’opèrent à la fin de la République. Il y a également toute une description des camps et du fonctionnement d’une légion au combat qui raviront les connaisseurs d’histoire militaire. Ensuite, l’ouvrage présente les légionnaires, les cavaliers et leurs panoplies. La carte sur la double page 96-97 offre au lecteur une présentation de la répartition des légions romaines sur le territoire impérial jusqu’en 215 ap. J.-C.
Le deuxième chapitre analyse la force maritime de Rome qui a dû la développer « par la force des choses » (p. 100). Le chapitre s’ouvre sur une présentation toujours intéressante des familles des navires antiques. La page 104 porte exclusivement sur la bataille d’Actium de 31 av. J. C.
Le dernier chapitre de l’ouvrage, le dixième, revient sur les différentes guerres et campagnes qui ont marqué l’histoire de Rome. Il n’est donc pas étonnant que ce chapitre s’ouvre par un retour sur les guerres civiles romaines de l’époque républicaine avec une présentation simple, mais claire, des optimates et des populares. Il y a ensuite une analyse des guerres contre Carthage, moments également centraux dans l’histoire de la République romaine, avec une double page p. 112-113 offrant une carte retraçant les trois guerres puniques. La guerre des Gaules est également développée à la suite des guerres puniques avec une présentation cartographique et chronologique des campagnes de César. Enfin, l’ouvrage se termine sur la campagne contre Spartacus, aussi appelée troisième guerre servile, de 73 à 71 av. J.-C.
Les dernières pages de l’ouvrage proposent une bibliographie succincte pour les néophytes qui souhaiteraient approfondir certains aspects mentionnés dans cette infographie.
En définitive, cet ouvrage propose un savoir toujours savant et érudit présenté sous forme pédagogique et accessible. Il constitue une lecture agréable et stimulante pour ceux qui cherchent à approfondir leurs connaissances sur l’histoire romaine. Mais c’est aussi un outil de travail formidable pour l’enseignement et rendre accessible les spécificités de l’histoire romaine. La qualité graphique est indéniable ainsi que la volonté de donner le plus d’informations, au risque parfois de proposer des infographies un peu chargées. Ce livre offre ainsi une nouvelle façon, aussi érudite que ludique, de présenter l’histoire de Rome.
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Et pour lire des extraits en ligne sur le site de l’éditeur, c’est par ici !
Noémie Lemennais – Professeure agrégée en lycée, doctorat en histoire romaine à l’Université de Lille, membre du bureau de la régionale APHG Nord-Pas-de-Calais.
SCHEID, John; GUILLERAT, Nicolas. Infographie de la Rome antique. Passés composés, 2020. Resenha de: LEMENNAIS, Noémie. Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG). 27 nov. 2020. Disponível em: <https://www.aphg.fr/John-Scheid-Infographie-de-la-Rome-antique-Passes-Composes-2020>Consultado em 11 jan. 2021. Consultar publicação original
Rites et religion à Rome – SCHEID (APHG)
SCHEID, John. Rites et religion à Rome. Paris: CNRS Editions, 2019. Resenha de: LAMNNAIS, Noémie. Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG). 24 aoüt 2020. Disponível em: <https://www.aphg.fr/John-Scheid-Rites-et-religion-a-Rome-CNRS-Editions-Paris-2019>Consultado em 11 jan. 2021.
John Scheid, professeur émérite au Collège de France, responsable de la chaire « Religion, institutions et société de la Rome antique » de 2001 à 2016, est l’auteur de nombreux ouvrages qui ont marqué l’étude de la religion et de la pratique religieuse à Rome : Quand faire c’est croire. Les rites sacrificiels des Romains (2011) et Les dieux, l’État et l’individu. Réflexions sur la religion civique à Rome (2013). Depuis sa thèse d’État, publiée en 1990, Romulus et ses frères, la plus grande partie de son travail porte ainsi sur la religion et les rituels des Romains.
En 2019, John Scheid a publié un nouveau livre : Rites et religion à Rome aux éditions CNRS. Sa publication résonne avec la nouvelle question d’histoire romaine au programme de l’agrégation d’histoire : « Religions et pouvoir dans le monde romain de 218 av. J.-C. à 235 ap. J. C. ». Cela en fait un ouvrage intéressant pour les candidats aux concours. John Scheid offre au lecteur une analyse très fine sur l’univers rituel singulier de la Rome antique, en s’appuyant notamment sur les sources archéologiques, ce qui permet d’aller au-delà des sources littéraires, souvent reflets des élites. L’ouvrage de John Scheid a pour ambition d’abandonner l’approche traditionnelle du ritualisme romain qui vide les rites de leur sens. À la place, il offre une mise au point renouvelée et appuyée sur un corpus de sources diverses pour approcher au mieux « le rite qui constituait l’essence des systèmes religieux du monde gréco romain » (p.9).
La très riche introduction du livre propose d’utiles rappels historiographiques et étymologiques sur la place et le sens des rites dans la religion romaine.
Des pages 10 à 14, John Scheid offre une réflexion étymologique sur le mot ritus, dont le sens latin premier est difficile à percevoir, tant il a été dévoyé par le sens moderne. Il insiste sur l’apparente difficulté à traduire ce terme à cause de l’imprécision des dictionnaires. Si l’on suit Varron, il semble que « la notion de cérémonie religieuse, c’est-à-dire du rite au sens moderne, n’est pas contenue dans ritus, mais dans sacra ou des termes semblables (caerimoniae, religiones), et que ritus signifie « manière traditionnelle de faire, coutume » (p. 10). Le terme de « rite » est ainsi l’objet de discussions et de débats entre les historiens faisant émerger une opposition entre le rite de l’époque de Cicéron et le rite à l’époque primitive : le premier est assimilé à une idole ancienne, tandis que le deuxième est réalisé pour sa signification religieuse.
Dans la deuxième partie, intitulée « Rite et religion », John Scheid revient sur les changements historiographiques et plus précisément sur la construction d’une théorie générale de l’évolution religieuse faisant du rite un symbole vidé de son sens. Il commence par présenter les travaux des « primitivistes », alimentés par Georg Rohde notamment, qui ont pour point commun d’avoir évacué la question de la signification des rites vers l’époque primitive. Cette position, bien que combattue « en Allemagne par Walter F. Otto et ses élèves, ou par Karola Valhert, et en France par Georges Dumézil » (p.17), survit dans les études ultérieures de façon plus ou moins consciente. Il explique ensuite l’analyse évolutionniste proposée par Willima Fowler qui estime que le système rituel romain « était fossilisé et n’exprimait qu’un conservatisme exacerbé qui vidait la religion traditionnelle de toute substance » (p.18). À l’arrière-plan de cette théorie, on devine l’influence des théories romantiques, représentées par Ludwig Preller et Karl Otfried Müller, qui distinguent trois phases successives dans la formation de la religion romaine : la religion de la nature animée, l’institution par le roi Numa des règles cultuelles et une troisième phase introduite par les Tarquins et Servius Tullius. Dans cette théorie, les rites sont nés à l’époque la plus reculée de l’histoire romaine et ont perdu leur sens à mesure que se constituent les peuples.
Dans une troisième partie, John Scheid continue sa quête historiographique en interrogeant la primitivité du rite. Il présente donc l’analyse primitiviste de Kurt Latte qui conduit à une aporie : le problème du sens est renvoyé vers le passé, mais on le donne toujours vivant. Face à cette école, il y a la position des sociologues, représentée par James Ellen Harrison, qui va dans le sens d’une théorie symbolique des rites et du mythe. Cette approche très féconde, mais qui a connu un relatif échec à cause du mépris envers le rite, ouvre la « voie qui permet d’expliquer le ritualisme antique dans son présent historique, sans devoir projeter celui-ci dans les temps inaccessibles des origines en le privant ainsi de tout contenu spirituel » (p.25).
Dans la dernière partie, John Scheid revient longuement sur les travaux novateurs de Georges Dumézil, dont la « démarche a clairement rompu avec l’anti-ritualisme traditionnel » (p. 29), et ceux de Jean-Pierre Vernant, et de Walter Burkert. Les travaux de Georges Dumézil ont clairement révolutionné la perception et l’analyse du rite, grâce à son projet de recherche de structures idéologiques (trifonctionnelle ou non) « qui le poussait à accorder une grande importance aux actes et à leur interprétation » (p. 30). Dumézil conteste le fait que les Romains ne comprenaient plus du tout le sens de ce qu’ils faisaient, prenant le contre-pied de l’école primitiviste, en analysant en détail tout ce qui concerne le rite sacrificiel et le statut des animaux sacrifiés. Pour lui, « il existerait une homologie entre les énoncés des rites et ceux des mythes ou des théologies. Le rite ne transcrit pas le mythe, il n’est ni antérieur ni postérieur à celui-ci. Il existe à coté des récits […] » (p.33). On peut néanmoins s’interroger sur la capacité d’une société à conserver intacte pendant des millénaires la signification de ces rites. Les travaux de Dumézil sont rejoints par ceux de Jean Pierre Vernant sur le sacrifice grec, analysé comme un partage et constituant le groupe social tout en énonçant également le système des choses. Ces travaux ont participé au développement de l’anthropologie des images et donc des représentations des rites.
Ainsi, l’introduction de cet ouvrage, d’une très grande richesse, propose une mise au point scientifique bienvenue sur un sujet qui permet d’appréhender au mieux la piété romaine dans son ensemble. Il s’agit clairement de pages à lire et les candidats aux concours gagneront à s’en imprégner.
Plan du livre
La première partie du livre, intitulée « À la redécouverte du rite », dresse un tableau général des attitudes rituelles des Romains, ainsi qu’une explication du sens des rites. John Scheid rappelle que la religion des Romains est intrinsèquement différente des religions modernes, et non simplement « plus primitive ». Elle est différente parce qu’elle est fondée sur le rite, qu’elle n’exige aucune croyance explicite et conforme à une doctrine (p. 41). Toutes ces caractéristiques expliquent qu’il est plus pertinent de parler de « religions » au pluriel plutôt que de « religion » au singulier. Cette précision est utile pour les candidats aux concours puisque le sujet porte sur « les religions ». De fait, la pratique religieuse diffère en fonction du groupe social, de la cité, de l’unité militaire, de la famille, voire même du collège d’artisans. Il ne peut donc qu’être question de religions romaines et non de la religion romaine. Dans le deuxième chapitre, John Scheid cherche à savoir si un système religieux fondé sur le rituel peut générer des croyances, et si les rites des Romains avaient un sens pour eux mêmes. (p. 60).
Dans la deuxième partie, « Quand le geste compte », John Scheid défend l’idée d’une archéologie du rite en intégrant les avancées les plus récentes de l’archéologie dans ce domaine. De fait, les chances de voir apparaître un texte nouveau sont faibles, tandis que l’archéologie s’adapte aux nouvelles perspectives et permet d’apporter des témoignages neufs et consistants sur les ritualismes antiques (p. 86). John Scheid offre également une réflexion sur le ritus Graecus, perçu traditionnellement comme un nouveau rite et une nouvelle piété issue d’une influence étrangère qui aurait complètement transformé la religion traditionnelle. Néanmoins, cette analyse ne tient pas face à une étude attentive des sources, car « cette nouvelle manière de célébrer sacrifices et fêtes ne peut être ni dissociée du ritualisme romain, ni simplement rattachée au processus de l’hellénisation » (p. 98). De fait, les sources ne témoignent que de rites et d’une représentation traditionnelle des relations avec les dieux.
La troisième partie est celle qui pourrait intéresser le plus le candidat aux concours, puisqu’elle porte sur « Le rite, reflet de la hiérarchie sociale » à travers cinq chapitres qui rappellent les fondements du fonctionnement de la religion romaine : « Le sacrifice de l’animal et le système des êtres à Rome », « La mise à mort de la victime sacrificielle. À propos de quelques interprétations antiques du sacrifice romain », « Les offrandes végétales dans les rites sacrificiels des Romains », « Les espaces cultuels et leur interprétation », et enfin « Épigraphie et rituel. De quelques formulations ambiguës relatives au culte impérial ». Ces cinq chapitres enrichiront la réflexion de la relation entre « religions et pouvoir » en abordant l’organisation de la vie religieuse publique impliquant l’ensemble des citoyens dans la pratique rituelle, et sur les institutions civiques ayant contrôle et décision en matière religieuse. De fait, toute consommation de viande ou d’un végétal, organisée autour d’un banquet formel, était liée à un rituel de partage avec les dieux. Ces modalités sacrificielles donnaient pendant le sacrifice une illustration cohérente de la « hiérarchie « sociale » de ce monde-ci, et définissaient implicitement la nature de la divinité » (p.131). Enfin, les espaces cultuels offrent un témoignage intéressant des ces implicites du rite par leurs aménagements. L’intention de cette organisation est de représenter l’ordre des choses. Le dernier chapitre étudie l’épigraphie et les formulations relatives au culte impérial, chapitre qui sera d’une grande utilité pour les candidats. Les analyses de nombreuses sources dans cette partie permettront aux candidats de constituer une série d’exemples intéressants à reprendre dans la préparation du concours.
La quatrième et dernière partie s’interroge sur « Le culte dans le cadre privé » en articulant les pratiques collectives et personnelles dans le domaine religieux. Cette partie est composée de deux chapitres : « Les rites dans la famille des vivants » et « Contraria facere, faire le contraire de tout. Renversement et déplacements dans les rites funéraires ». Dans le cadre domestique, « c’est l’individu qui détient le pouvoir religieux et gère ces obligations qui en découlent » (p.193). John Scheid propose donc une analyse de ce pouvoir en revenant sur plusieurs étapes : le passage à l’âge adulte, le mariage, les vœux et le culte quotidien. Le dernier chapitre est réservé à l’attitude des Romains face à la mort, étudiée à l’origine dans une perspective évolutionniste et dont « la finalité consistait à éclairer l’apparition et le développement de la croyance à l’immortalité de l’âme » (p.233). Selon John Scheid, c’est une perspective qu’il faut dépasser en abordant l’attitude romaine face à la mort à travers le rituel funéraire et en mettant de côté l’idée de l’immortalité de l’âme, problème bien secondaire pour les Romains de cette période.
Conclusion
En définitive, le livre de John Scheid est essentiel pour qui s’intéresse à la religion romaine puisqu’il offre une description des principales conduites rituelles des Romains, mais aussi des réflexions sur le sens des rites dans la religion romaine. Il interroge également la manière dont il convient d’aborder les sources qui les décrivent. John Scheid livre une analyse des principaux rites romains, en commençant par les rites sacrificiels et leur arrière-plan théologique, dans le culte d’État et dans les cultes privés, en essayant aussi de démontrer, à l’aide des espaces cultuels, que tous les éléments du dispositif rituel entraient dans les sens transmis par les rites.
Enfin, ce livre intéressera tous les candidats aux concours de l’enseignement (CAPES et Agrégation) parce qu’il permet d’étoffer la réflexion sur la question d’histoire romaine « Religions et pouvoir dans le monde romain de 218 av. J.-C. à 250 ap. J.-C. (235 ap. J.-C. pour l’agrégation) ». Les différents chapitres explorent les interactions entre la religion publique, la religion privée, les différentes pratiques associées, et enfin les rapports des individus avec les dieux. La lettre de cadrage de la question mentionnant les « gestes pratiqués comme dans les relations codifiées, présidées et contrôlées par les magistrats et le sénat, sous la conduite des collèges sacerdotaux », il est donc important pour les candidats d’avoir une bonne connaissance de ce que sont concrètement les rites. Le glossaire et la bibliographie en fin d’ouvrage constituent des outils toujours utiles pour les candidats.
Noémie Lemennais – Professeure d’histoire-géographie au lycée Maxence Van der Meersch de Roubaix, doctorante en histoire romaine, HALMA – UMR 8164, Université de Lille.
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