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L’Histoire à l’école. Modes de pensée et regard sur le monde – HEIMBERG (CC)
HEIMBERG, Charles. L’Histoire à l’école. Modes de pensée et regard sur le monde. Issy-les-Moulineaux, ESF éditeur, coll. Pratiques et enjeux pédagogiques, 2002, 125 pages. Resenha de: LEONARDIS, Patrick. Le cartable de Clio – Revue romande et tessinoise sur les didactiques de l’histoire, Lausanne, n.2, p.282-283, 2002.
L’histoire est une discipline en crise. Pourtant elle a rarement été autant sollicitée dans l’espace public. C’est le point de départ de la riche réflexion que Charles Heimberg nous propose sur la place de l’histoire dans la Cité en général et à l’école en particulier. Se nourrissant des écrits de Marc Bloch, d’Hobsbawm, de Walter Benjamin ou de ceux moins connus des historiens italiens actuels, il nous livre un petit ouvrage d’une remarquable concision et dégageant de grandes perspectives didactiques.
L’auteur regroupe en trois axes d’activités (comparer, périodiser et distinguer l’histoire de ses usages publics) les éléments constitutifs d’une pensée propre à la discipline dans le cadre scolaire: la compréhension du présent par une prise en compte du passé, l’intérêt pour le caractère spécifique du passé, la complexité des temps et des durées, la question de la mémoire collective et la critique des usages culturels et médiatiques de l’histoire. Il défend l’idée que tous les élèves peuvent entrer dans ces modes de pensée historiens relativement tôt, en tout cas dès les premiers degrés du secondaire et qu’il serait regrettable de croire que sans un socle préalable de connaissances, il n’est pas possible de faire réfléchir des élèves sur des problèmes d’histoire. Le défi de cette vision de l’histoire enseignée est de promouvoir une même his toire de la maternelle à l’université, sans négliger bien évidemment des niveaux de progression différenciés. Tout en ne dédaignant pas les didactiques transmissives traditionnelles ou béhavioristes, le socio-constructivisme semble bien la voie à suivre pour Heimberg, si l’on veut renouveler les pratiques d’enseignement et sortir de l’empilement de connaissances déconnectées les unes des autres et donc faiblement porteuses de sens.
Loin d’établir un catalogue de belles intentions didactiques et fort de son expérience d’historien, d’enseignant et de formateur, il présente, à l’appui de sa démonstration, des suggestions d’activités d’une rare simplicité à mettre en œuvre dans les classes et qui conjuguent avec efficacité des perspectives tant historiques que pédagogiques.
En vérité, derrière une apparente simplicité se cache une pédagogie très exigeante où les enseignants développeraient à leur tour une réflexion collective sur les usages publics de l’histoire, ainsi que sur leur responsabilité sociale d’historien et de pédagogue. Avec beaucoup de conviction, l’auteur les engage à dépasser le faux dilemme d’une école inculcatrice du savoir s’opposant à une école favorisant l’épanouissement de compétences citoyennes.
L’Histoire à l’école s’adresse donc aux enseignants qui cherchent à développer dans leur classe une véritable pensée historique, au risque de l’expérimentation, de réajustements successifs, d’idées nouvelles. Un immense chantier, comme ne le cache pas l’auteur, mais, ajouterat-on, qui vaut la peine d’être entrepris.
L’ouvrage se conclut par quelques perspectives particulièrement pertinentes concernant le point qui fâche: l’évaluation. En exemplifiant les nouveaux objectifs d’apprentissage de fin de scolarité obligatoire introduits récemment dans l’école genevoise, Heimberg défend une vision de l’histoire scolaire qui ne serait pas um outil de sélection et qui participerait au projet d’une école ne galvaudant pas son épithète de démocratique. A juste titre, une place capitale est attribuée au formatif, malgré les grandes difficultés à pratiquer ce type d’évaluation dans une branche d’éveil à faible dotation horaire, et à la transparence des critères d’évaluation.
Il nous invite ainsi à parcourir le champ d’un possible pédagogique, permettant d’envisager une histoire enseignée ouverte, plurielle, citoyenne, démocratique. Beau programme s’il en est.
Patrick de Leonardis – Séminaire pédagogique (SPES), Lausanne.
[IF]